(copyright la revue des vins de France)
Marie Thérèse Chappaz est une passionnée. Elle représente la biodynamie en Valais, région située en bout du lac Léman côté Chamonix. Ses vins sont très recherchés des amateurs car il s'agit d'une viticultrice artiste. Elle maitrise les cépages endémiques suisses comme ceux un peu plus internationaux comme la malvoisie, le cabernet sauvignon, le pinot noir ou le merlot. Elle s'est prise au jeu en recevant en héritage à 17 ans sa première parcelle de pinot noir alors qu'elle se destinait à une autre carrière. Son domaine ne fait que 8,5 hectares sur cinq communes dans des pentes terribles (en Valais, 50% de pentes sont supérieures à 30%), certaines n'étant accessibles qu'en monorail. On se trouve vers 400 à 600 mètres d'altitude et les sommets alentours sont à plus de 2000. Il s'agit de son 24ème millésime. Son domaine prend sa source dans la reconstitution de celui de son grand oncle, Maurice Troillet (président du conseil d'état valaisan mort dans les années 60) dont elle prend soin depuis 1987. Maurice Chappaz le poëte mort en 2009, est son oncle et s'est occuppé du domaine. Sa femme, l'écrivaine Corinna Bille, et lui avaient planté la petite vigne d'humagne blanche au moment de leur rencontre dont s'occupe toujours Marie Thérèse et qui doit constituer sa cuvée la plus rare. Nous aurons la chance de déguster ce vin dont elle ne produit qu'une centaine de bouteille par an. MT avait travaillé 6 ans au sein de l'école de viticulture dont elle est issue, Changins, avant de s'occuper du domaine actuel.
(copyright Jacques Perrin)
Le Valais:
Une des viticultures les plus hautes d'Europe, montant jusqu'à 1100 mètres d'altitude, située en Suisse romande le long du Rhône encadré dans cette région par de hautes montagnes. Les étés y sont chauds et secs et les automnes tardifs. Les différences de température entre le jour et la nuit en hiver y favorisent une maturité équilibrée du raisin. Les vents qui s'engouffeent dans cette vallée glaciaire y jouent un rôle important: le foehn par exemple, empêche la pourriture de s'installer, aide la maturation lente automnale du raisin et atténue les risques de gel. Le valais c'est plus de 3000 km de murs de terrasse, 120 km de vignes de part et d'autre du Rhône, 5200 hectares de vignes avec 22000 propriétaires.
(copyright la revue des vins de France)
Les terroirs sont très divers en Valais essentiellement composés d'éboulis, gravelages, loess et les moraines. Seul le substrat ancien est profond. La profondeur et la composition de ces sols, leur teneur en calcaire et en limons, la grosseur des sables influent grandement sur les capacités de la vigne à produire de bons vins, notamment en modifiant la capacité à retenir l'eau. Sur Fully où est principalement situé le vignoble Chappaz, les éboulis sont cristallins, granit et gneiss essentiellement. Les claives , le terroir de prédilection de MT, les sols sont granitiques, exposés plein sud . La petite arvine et l'hermitage (marsanne du Rhône Français) s'y sentent particulièrement bien. Mais la carte vous montrera une réalité beaucoup plus complexe.
La petite arvine et l'humagne blanche sont les deux cépages autochtones blancs du Valais. La première n'a génétiquement pas de parenté connue avec les autres cépages européens. La deuxième était traditionnellement reservée aux seigneurs et aux accouchées dans le Valais. On a des traces historiques de sa présence dès 1313. Elle se rapproche génétiquement de vieux cépages oubliés du sud de la France, le colombaud blanc de Provence et le chichaud d'Ardèche. On en trouve pas plus de 13 hectares au monde, malgré un engouement récent pour ce cépage qui en a fait doubler la surface !!
La marsanne a été introduite par le grand oncle de Marie Thérèse Chappaz en Valais, où elle n'existait pas, dans les années 20. Elle possède donc les plus vieilles vignes de la région, ayant plus de 80 ans (les autres parcelles ont 40 ans). Ces vignes sont cultivées en biodynamie depuis 2000.
La taille traditionnelle valaisanne est dite en tire bouchon.
Pour les vins blancs, MT travaille généralement avec les lies. Elle filtre très légèrement.Les secs voient peu le bois neuf, généralement reservé aux blancs doux.
Les vins sont divisés en plusieurs gammes:
- Les pots à boire sur le fruit
- Les terroirs (fendant)
- Les vins de garde dont font partie les autres vins
- Les grains nobles
Nous boirons 6 vins de MT Chappaz du fait des quantités limitées (les bouteilles font souvent 50 cl):
- Fendant Fully coteaux de Plamont 2008 (du chasselas sur un terroir granitique). Il apporte des goût d'agrumes, de fruits blancs et jaunes (melon vert, mirabelle), rouges (framboise), de fleurs (aubépine, verveine), d'herbes aromatiques, de silex, de tourbe avec une pointe d'amertume. Ce fendant de luxe laisse exprimer son sol sous forme de minéralité. Il y a souvent un côté perlant à ces vins, apportant un côté frais supplémentaire: Frais, avec peu de nez, il exhale des parfums peu fréquent comme de la noix verte, de la rhubarbe. Pas très long, ni très prsistant, mais agréable.
- Grain cinq 2009 (issu d'un assemblage de plusieurs cépages plantés sur terroir granitique: Pinot Blanc, Païen, Sylvaner, Petite Arvine, Ermitage). Cela donne des parfums d'agrumes, de rhubarbe, des fruits exotiques (mangue), de pierre à fusil. Ecoeurant, c'est l'avis de la majorité. Ouvert 1/2 h sur son bouchon, il est dissocié avec du sucre et de l'amertume trop prédominantes et non liées. Mais, il s'améliore un peu en matière de liaison avec une heure d'ouverture donnant une impression moins grande de dissociation.
- Humagne blanche du domaine des claives 2009: Elle exprime jeunes de délicieuses notes florales (blanches), anisées et agrumes puis évolue avec les années vers des notes résinées et résinées originales. On l'a clairement raté. Ouvert pareil une demi heure sur le bouchon, il est beaucoup trop fluide, sur le miel de sapin et au nez la guimauve. Une heure d'ouverture le métamorphose complètement, le rendant d'une grande originalité, d'une belle persistance avec une structure minérale qui n'était pas évidente dans la première gorgée.
- Petite arvine de Fully 2010 (produite sur le terroir de Grû à Chamoson, dans une version sèche): fruits confits, rhubarbe, glycine, agrumes (pamplemousse), pierre au soleil avec une salinité. D'un premier abord, classique abvec une belle minéralité persistante. Belle longueur qui trace jusqu'au fond de la gorge. Une heure d'ouverture vont dévoiler un côté une discrète oxydation qui se conjugue à merveille avec la gamme d'agrume (yuzu surtout). Le premier test le rendait diamétralement opposé au suivant pourtant issu du même cépage et en partie du même terroir.
- Grain blanc petite Arvine 2009 (sec, mais bcp plus exhubérante que la précédente, elle est produite à Fully sur les coteaux de la Louye): Fruits de la passion, violette, kiwi, coing, confiture de rhubarbe. Choc, avec une belle longueur, un mélange très élégant de minéralité, d'amertume sur les agrumes (pamplemousse surtout) et d'un côté discrètement oxydatif (miel d'acacia, amande, noisette) amenant à un équilibre inhabituel et souverain. Très original et au départ n'ayant rien à voir avec son frère "Grü de Chamoson" qui le rejoindra après ouverture longue vers cet équilibre follement original. Un choc que cette comparaison initiale que seule la deuxième dégustation permettra de résoudre.
- Grain d'or ermitage 2007 (contient 5% de roussanne, cépage là aussi de l'hermitage blanc): il est vinifié en barrique récolté tardivement restant sec avec l'extrait d'un liquoreux: fruits jaunes (coing, abricot, mirabelle) et blancs (poire), agrumes (fleur d'oranger), gingembre, fleurs blanches (acacia), truffe, miel, menthol, coriandre fraiche, cannelle, rhum, praslin, café, thé, tourbe, fumée avec beaucoup de gras et une belle amertume. Là, c'est imbuvable. Banane "beaujolais", vernis à ongle, c'est la grande industrie que tout le monde recrache instantanément. L'ouverture prolongée ne lui apportera qu'un corps plus lié et ces parfums éminament moins marqués.
Dégustation extrèmement originale dont il a fallu la deuxième partie avec une revision des vins ouverts au moins 1 à 2 heures pour ne pas passer à côté, ce qui a failli nous arriver. Deux vins sont totalement désagréables, ce qui est étonnant au regard de la réputation de la vigneronne.
Une poésie de l'oncle de Marie Thérèse pour bien finir la dégustation:
"Leur double cri bleu annonce la nuée aux quatre coins du vallon aux clairières brunâtres, tapi dans sa moiteur d’après la neige.
Semaines d’eau et de rouille.
Les arbres quittent les chemins, guillotinés par les coucous.
Mon ermitage s’est fondu dans le brouillard. Il y a des gouttes d’oiseaux dans le ciel. Je n’ai pas mangé. Je ne bougerai pas.
Toute vie s’écoule comme de la pluie.
Tu attends un royaume ?"
Maurice Chappaz
Quelques vidéos pour aller plus loin:
- interview
- Présentation de son domaine
- Une autre présentation (regarder la troisième vidéo)
Une emission de radio